Patrick Galbats

Armand Quetsch
sans titre / extrait de la serie ephemera
Armand Quetsch
sans titre / extrait de la serie ephemera
De Cadence, 2014
photographie, Dimensions 2 x 44 x 54 cm
Acquisition 2014

Ruines sans valeur

Le lieu des nouvelles photographies de Patrick Galbats est un territoire en mouvement.

Les anciennes friches industrielles du Sud du Luxembourg sont dans un état de désindustrialisation terminale, atteint en 1997 avec la mise hors service du dernier haut-fourneau. La majorité des architectures et des sites représentés sont voués à une disparition complète.

Ce qui est officiellement présenté comme une reconversion, est le phénomène d’une accélération spectaculaire dans un mouvement d’oblitération, unique dans l’histoire industrielle luxembourgeoise. La majorité des ruines industrielles des terres rouges ne sont plus qu’un décor. Une petite partie est actuellement transformée en monument, alors que le processus de muséeification a commencé pour d’autres depuis quelques années déjà.

Guillaume II de Hollande, accessoirement Grand-Duc de Luxembourg, avait un goût particulier pour les architectures en déchéance. Il avait commencé à racheter les ruines des châteaux médiévaux à Luxembourg pour en faire les étapes d’un parcours de promenade romantique. Cette attitude semble se refléter dans les approches contemporaines des vestiges industriels. Il faut sauvegarder, mais pas trop ! L’histoire de l’industrie est ou bien transformée en une collection d’anecdotes ou alors, comme pour le cas des haut fourneaux de Belval, en des monuments opaques et impénétrables dont la présence muette ne transmet rien du véritable passé industriel. Les luttes politiques, sociales et économiques qui ont constituées le champ de la sidérurgie luxembourgeoise ne font pas partie de ces visions pittoresques.

Avec ses photographies récentes, Patrick Galbats revisite un no man’s land qui est en train de subir sa dernière exploitation, celle de son sous-sol. Dans cette topographie bizarre dont on exploite les scories accumulées, il n’y a plus de structure organisée. Le territoire est devenue une zone entre nature et culture, entre passé et présent.

Il y a dans ces lieux quelque chose de la Zonedes frères Strougatsky. Les terres rouges forment le passage de la France vers le Luxembourg. Cette situation particulière semble se révéler plus clairement encore dans le caractère mobile de ce terrain dont la topographie est en constant mouvement. Cette Zone qu’Andrei Tarkovsky a transformée en un lieu suspendu entre passé, présent et futur, dont les architectures décrépies deviennent les sites d’un nouveau fantastique qui fait d’un mélange bizarre de nostalgie et réappropriation des lieux.

Les pauvres restes de la grande époque industrielle du pays ne servent même plus d’ersatz ou de coulisse industrielle, ils sont voués à disparaître complètement.

Patrick Galbats en fournit la preuve.

Christian Mosar, mai 2014

Patrick Galbats est né en 1978 au Luxembourg et depuis 2018, il vit et travaille entre Bruxelles et le Luxembourg.

Sa formation à l’École Supérieure des Arts de l’Image à Bruxelles, mieux connue sous le nom Le Septante-cinq, le met sur la voie de la photographie documentaire et du reportage social. En 2002, à son retour au Luxembourg, il devient photographe de presse. En parallèle, il réalise des reportages pour le compte de différentes ONG qui l’amènent en Haïti, en Éthiopie, aux Philippines, en Bolivie et au Cameroun. Entre 2010 et 2016, Patrick Galbats couvre l’actualité politique, culturelle et économique pour l’hebdomadaire d’Lëtzebuerger Land. Il y trouvera une liberté artistique qu’il mettra à l’oeuvre pour façonner un style, mêlant l’image journalistique à l’image poétique.


Son intérêt pour la société et ses évolutions le pousse, dès le début de sa carrière, à s’engager dans des projets personnels. Avec le temps, il s’éloignera peu à peu du reportage social pour se diriger vers un « style documentaire », expression empruntée à Walker Evans, le père spirituel de plusieurs générations de photographes. Les paysages prennent de plus en plus d’ampleur dans ses séries. Ils témoignent d’une époque, ce sont des moyens d’analyse des problématiques que le photographe se pose, sans que l’humain, son sujet de prédilection, ne disparaisse des images. 


Avec Hit Me One More Time, son travail sur la Hongrie nationaliste, Patrick Galbats publie sa première monographie chez Peperoni Books, en collaboration avec le Centre national de l’audiovisuel du Luxembourg.  

Site de Patrick Galbats

Exposition aux Centres d'art de la Ville de Dudelange : De Cadence (mais-juin 2014)