Marc Buchy

Ni strictement visuelle, ni proprement de l’ordre de la performance, la démarche de Marc Buchy se caractérise par une perpétuelle remise en jeu de ses cadres et lieux d’inscriptions. On y retrouve, à la fois centrale et diffuse, la question de la figure de l’artiste, son rôle singulier ainsi que le sens qui se produit de ses actions au gré des différents contextes qu’il est amené à traverser. Faisant fréquemment usage du terme de « zone grise » pour qualifier sa démarche, Marc Buchy marque son intérêt pour l’idée d’entre deux et envisage ses interventions souvent telles des interfaces. Le prosaïsme du rapport au réel y devient le matériau d’un art anti- spectaculaire, refusant généralement les formes et formats dits traditionnels, leur préférant les supports d’expériences associés à la banalité du quotidien, au sens commun ainsi que les écarts et inadéquations qui s’y lovent. Si donc l’artiste s’inscrit volontiers dans une certaine lignée de pratiques conceptuelles sondant les structures primaires du langage et de l’expérience, il entend actualiser ces enjeux à l’environnement contemporain désormais organisé en un réseau étendu de circulations, d’échanges et de relations sur fond de nouvelles mondialités. Son travail en propose des perspectives teintées d’humour et de malice, qui mettent à l’épreuve les idées préconçues ainsi que les effets de prédiction, de standardisation et de rationalisme dominants. Pour Marc Buchy le cadre de départ viendra toujours se situer dans un plus vaste système de relations, tant pour le révéler que pour lui faire diversion.

Sa pratique se caractérise ainsi par une certaine fluidité ainsi que par une économie de moyens et des réductions méthodiques. Ses œuvres font tantôt place au détournement d’objets usuels, tantôt à de projets collaboratifs tel que des protocoles d’actions auxquels l’artiste se soumet lui- même ou qu’il adresse à d’autres. Mettant en tension les pouvoirs d’évocation de l’imaginaire collectif, il produit des effets de boucle et de projection entre différents degrés de réalité. Ses gestes portent le plus souvent sur des déplacements subtils, des transferts opérant à la limite de la visualité, préférant parfois même leur simple énoncé afin de s’ouvrir à des voies multiples et imprévisibles. Ce qui en résulte n’est autre que les manifestations de subjectivités collectives dissonantes, arrimées dans les registres de l’infime, de l’oralité ou encore du jeu d’enfant.

L’accord, la rumeur, la promesse, l’usage convenu, l’exercice, le jeu, sont quelques-uns des constituants de premiers plans de son œuvre tandis que ce qu’il donne à voir n’est finalement qu’un indice à réinsérer dans le récit de son processus. Bien souvent d’ailleurs, ce récit s’ouvre et fait ricocher ses échos sur des rapports d’échelles particuliers, notamment par un rapport au temps entrecroisant les durées, les intentions et les perceptionsIci des gestes répétés, ou encore des objets accumulés, forment autant d’empreintes de relations que de rapports au monde et de portraits en creux. Tout en abordant avec une certaine prudence les voies de l’autoréférence, Marc Buchy porte un intérêt marqué pour les instruments institutionnels que sont par exemple le contrat de vente, le texte de salle, la signalétique, les axes de la visite, les supports et les displays, ou encore les métiers qui encadrent l’exposition, autant d’éléments qui lui permettent de défier les statuts du regard et les relations de pouvoir qui s’y exécutent. Il s’agit alors de mettre au jour ces rapports et les différentes focales qui s’entrechoquent dans les espaces-temps de l’exposition, en formalisant les liens qui lient cette expérience particulière au monde du dehors, les gestes qui la précèdent et ceux qui la suivront.



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