Ici, le corps parle
On appréhende un travail artistique avec tellement de préjugés que parfois l’on en oublie de regarder l’œuvre pour ce qu’elle est. Mike Bourscheid, parce qu’il le sait, joue avec notre inconscient et libère nos antennes réceptives de tout présupposé, et ceci dès notre tout premier pas dans son univers. Comme il le dit, le « lieu de départ » de sa démarche créative est « son pays », son village et la société très conservatrice qui y vit ; or, « son pays » n’est pas que le Luxembourg où il a grandit, Berlin où il a étudié ou le Canada où il vit actuellement. Et telle est la première singularité caractéristique du travail de l’artiste : ses œuvres, si intimes soient-elles, sont ouvertes aux lieux (psychiques) et aux personnes : elles sont peuplées de protagonistes imaginaires, inspirés de sa famille mais aussi des « héros du village » – ceux qui vont à l’église chaque dimanche matin, ceux qui ne jurent que par la vie normée et politiquement correcte, « comme il faut », ceux qui scrutent derrière les rideaux chaque fait et geste de leurs voisins, les habitués du pub du coin, etcétéra… En effet, les “petits mondes” que l’artiste nous donne à voir, proviennent presque de tous les pays et de tous les villages du monde – avec les tensions sous-jacentes de la vie quotidienne, les règles strictes des sociétés conservatrices, les non-dits et les règles non-écrites qui rythment l’ordinaire et, surtout avec les angoisses et les remises en question que tout cela peut susciter…
Or, dans son travail, ces éléments sont transfigurés à travers des explosions d’humour et de sensibilité qui traversent les œuvres d’art qui deviennent comme des blagues – à la fois provocatrices et très sérieuses. Car les propositions de Mike Bourscheid revêtent une particularité fondamentale : malgré l’exagération apparente du propos, ou mieux, malgré l’audace qu’exige le passage du fantasme à son expression, ses œuvres sont à la fois charnelles, très délicates et justes. La démarche de l’artiste se déploie ainsi comme un jeu avec son public : entre provocation et fragilité, rires et silence, entre impertinence et vérité absolue. Un élément reste toujours central dans la démarche de l’artiste : le corps, qu’il soit humain, animal, ou fictionnel et imaginaire.
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