photographie, photographie - papier baryté, Dimensions 87 x 130 cm
Dans mon souvenir, ou même dans le face-à-face réitéré avec ses portraits photographiques, avec ses vidéos qui, de manière descriptive, ne montrent que des mots, je pense toujours que Chantal montre des lèvres. Une image obsédante. Des lèvres entrouvertes ou mi-souriantes, des lèvres qui pensent, des lèvres qui hésitent sur le dire. Qui sont sur le point d’énoncer mais qui se retiennent, indéfiniment, pour trouver une juste formulation. L’on se sent comme gagné par la douce et perspicace, presque jubilatoire, indécision de la photographe. La forme est en devenir, même figée par l’appareil. C’est un choix consenti, qui la satisfait, et qui laisse le spectateur en suspens.
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Il y a quelques jours, Chantal m’évoquait quelque relation avec le travail de Walker Evans. Si je ne fis pas d’abord cette association, je la comprends bien maintenant. Elle a d’abord mentionné, bien sûr, la série réalisée dans le métro new-yorkais, Many Are Called, témoin des égarements de la pensée dans ce lieu de transition spatiotemporelle, où la promiscuité réclame un repli sur soi. Mais c’est peut-être, d’une manière plus générale, la conviction de l’aporie du portrait photographique qui relie ces deux auteurs si différents. Et aussi l’affirmation que l’image ne peut aller au-delà de la surface du visible. Plus encore, leurs travaux nous rappellent la vanité de vouloir tout dire, tout montrer, de croire que l’image révélerait une vérité.
Extrait du texte "Chantal Maes. Les bruissements de l'âme" par Catherine Mayeur pour Vox, Centre de l'image contemporaine, Montréal, Canada.