photographie, Dimensions 46 x 55 cm encadrée 70 x 100 cm
tirage baryté
Lieux urbains
Ou la réalité superposée
[…]
Luc Ewen aime recycler ses propres photographies, les retravaille et les altère, leur conférant une nouvelle signification.
Ainsi est né en 1987 le corpus Traces urbaines, une œuvre en noir et blanc qui repose sur une suite d’images prises lors de différents voyages en Europe, à Arles, Blankenberghe ou encore Athènes. L’artiste y a capté des scènes anodines rencontrées au hasard de ses pérégrinations dans lesquelles se cristallisent des formes géométriques simples, presqu’abstraites. Le point de vue est celui du promeneur arpentant de nouveaux espaces, du flâneur qui prend le temps de laisser voyager son regard et de s’imprégner du contexte à chaque fois différent qui l’entoure.
Ces premières empreintes urbaines ne sont pourtant que le point de départ d’un travail en plusieurs étapes. Une fois les négatifs développés, leur périple continue. L’artiste les découpe et, lors d’un nouveau voyage dans une nouvelle ville, les place sur un angle de rue, un trottoir et les expose littéralement au contact d’un nouvel environnement. Froissés, égratinés, voire piétinés, les négatifs gardent les traces de l’activité citadine qui les a façonnés le temps d’une journée. C’est ainsi que Luc Ewen les récupère – s’il les récupère ! – enrichis d’un véritable redoublement de réalité, d’une surréalité, pour emprunter un terme cher à Susan Sontag. Les tirages qui en résultent ne portent pas seulement toutes les marques de cette interaction secrète entre l’artiste et la collectivité, mais en les amplifiant par agrandissement.
Extrait du texte de Françoise Poos, paru in Luc Ewen, « Lieux urbains », galerie Schlassgoart, 2008.
Lost memories 2009
Photographies 1978 - 2005
La mémoire qui flanche
Rarement un titre aura été si pertinent. «Lost Memories» est une plongée intime, presque psychanalytique, dans les souvenirs du photographe et plasticien luxembourgeois. Il a fouillé ses archives à la recherche de fragments de mémoire perdus, comme des bouées auxquelles mieux accrocher le présent.
On avait récemment suivi le travail de Luc Ewen autour de la chronique Skvozniak, avec cette manière si particulière de présenter des archives et des légendes fabriquées de toutes pièces. Ce projet faisait sourire par son inventivité et forçait le respect par sa qualité plastique : ce mélange étonnant de vrais-faux documents, de photographies originales trafiquées et de textes alambiqués.
Déjà, avec L'Homme de Blar (réalisé avec Jean-Luc Koenig à partir de 1995), on avait compris la fascination de Luc Ewen pour la fouille minutieuse des sols, réels ou figurés, pour l'archive et la sédimentation. Pour cette exposition - et pour le livre qui l'accompagne - ce n'est pas un personnage fictif ou imaginaire qu'il a exhumé mais sa propre vie : «J'ai revisité mes archives pour mieux voir mon évolution.»
Rien de moins que 20 à 30 000 négatifs qui constituent le fonds de l'artiste depuis 1978 et ses premières images. «Attention, prévient-il à ceux qui en douteraient, rien n'est classé, rangé, étiqueté, daté ou répertorié». Le voilà donc en apnée dans une vertigineuse plongée dans son passé. Il cherche à se souvenir, il attrape des bribes de mémoire et collectionne les instants…
France Clarinval, 2009